Bonjour et bienvenue sur ce nouveau blog qui regroupe désormais l'ensemble de mes écrits passés. A présent, j'espère bien pouvoir l'enrichir de temps à autre de textes inédits. Vous trouverez dans le menu de droite deux catégories : les nouvelles et les ateliers d'écriture. Après, il n'y a pas d'ordre de lecture particulier donc, si mes textes ne sont pas trop mauvais, faites-vous plaisir !
Je le dis à chaque fois : cet espace est aussi le vôtre. Vos retours sont importants pour me permettre de progresser et de persévérer.
Bonne visite et à bientôt !

Le Survivant

(Prix Lescure du concours de nouvelles de Terrasson, Dordogne)


J'étais là dans cette immense boite. J'étais le dernier. Il y a une heure encore, nous étions un bon nombre mais les autres avaient eu moins de chance. Il ne restait que moi mais je ne me faisais pas d'illusion. J'allais y passer aussi, d'autant que je n'avais nulle part où me cacher. Il me trouverait forcément, malgré la pénombre. De toute façon, à quoi bon ? J'avais déjà tant souffert... et tout ça pour en arriver là ! J'avais cet aspect que je jugeais personnellement ragoûtant, du fait de mes brûlures au premier degré, mais curieusement cela semblait plaire... pour mon malheur !

Je me sentis observé et effectivement un oeil m'épiait. Me distinguait-il pour autant, je n'aurais su le dire. Mais le simple fait de le voir lorgner dans ma direction ne me poussait pas à l'optimisme. Il tendit le bras. Cette fois, j'étais perdu. C'était mon tour.

J'entendis alors une forte détonation. Puis une autre. Je perdis alors l'équilibre et sentis glisser la boite dans laquelle je me trouvais. Je ne compris pas tout de suite ce qu'il se passait mais c'était l'affolement tout autour de moi. Les gens hurlaient. Un type s'était mis à crier : "Tu croyais que tu allais nous emmerder encore longtemps comme ça ?" La panique semblait avoir englouti toutes les personnes présentes dans la salle. Je ne voyais pas grand chose de là où j'étais mais les gens semblaient courir dans tous les sens. Les cris s'amplifiaient.

J'étais sauvé. Pour le moment du moins. Je ne comprenais pas trop ce qu'il se passait mais en tout cas, personne ne faisait plus attention à moi. Lui en tout cas m'avait oublié. Je devais simplement veiller à ne pas me faire écraser par cette meute d'enragés. Mais ça avait l'air de s'arranger là-aussi. La pièce semblait se vider très progressivement, toujours dans un brouhaha de cris assourdissants certes, mais elle se vidait et c'était bien là l'essentiel. Un répit reste un répit. Ça ne changerait peut-être pas fondamentalement ma vie mais enfin...

Au bout d'un moment, il n'y eut plus que moi dans la salle. Enfin, je crois. Je n'étais pas idéalement placé pour en juger mais il me semblait bien. Sauf que je ne pouvais pas bouger et que je finirais bien par être découvert et tué. Ou alors, je resterais là à me rabougrir et m'assécher. Dans les deux cas, l'optimisme n'était pas franchement de rigueur.

J'appris plus tard, lorsque la police prit possession des lieux tandis que j'étais toujours planqué dans cette boite tellement trop grande pour moi, que le type qui nous avait tous tués un à un avait lui même été abattu par un gars assis derrière lui. Ce dernier s'était levé et pan, lui avait mis une balle en pleine tête. Tu m'étonnes que la boite soit tombée et moi avec !

Apparemment, le tireur n'avait pas supporté le bruit de sa mastication. Il faut dire que c'était assez inélégant et que ce n'était pas évident pour pouvoir suivre le film. Encore que moi, je m'en fichais, je ne pouvais pas voir les images de là où j'étais et j'étais bien trop stressé à l'idée d'être le prochain grain de pop-corn à être englouti par ce goinfre. Tous mes potes y étaient passés. Sauf moi, tu parles d'une aubaine ! J'avais vu à maintes reprises sa main plonger dans la boite et en ressortir une poignée qu'il mettait avidement dans sa bouche immense en mâchant et déglutissant à grand bruit. Selon la police, un gus en avait eu ras le bol qu'on lui gâche ainsi son film et lui avait dit sa façon de penser. Le fameux "Tu croyais que tu allais encore nous emmerder longtemps comme ça ?" que j'avais entendu juste après m'être cassé la gueule.

Finalement, ça ne changeait pas grand chose pour moi. Je n'avais pas été dévoré par cette gueule béante, mais j'allais finir très probablement dans une poubelle dès que la femme de ménage viendrait faire son petit tour. A moins que la police ne me garde comme pièce à conviction. J'aurais l'air bien, tiens, confiné au chaud dans un sachet plastique ! Enfin, c'est ma vie, quoi ! Au début, c'est le pied, on pousse en pleine nature, baigné par le soleil ou les pluies, on a une belle couleur jaune orangé. Et puis quand on parvient à échapper au bec de la poule ou à l'estomac des humains, on finit cramé et caramélisé ! Vous parlez d'un avenir ! Moi, je suis résigné de toute façon... Allez hop, faites de moi ce qu'il vous plaira, messieurs-dames, gobez-moi, mangez-moi, cramez-moi, laissez-moi à même le sol d'un ciné comme une merde, je m'en fous... Voilà, c'est dit...


Cette petite histoire est authentique. Les grains de pop-corn ont existé et ont effectivement "causé" la mort d'une personne. Samedi dernier, à Riga en Lettonie, un homme qui mastiquait trop bruyamment son pop-corn a été abattu par son voisin à l'issue de la séance alors que le cinéma programmait "Black Swan" de Darren Aronofsky avec Natalie Portman.

Il n'y a que pour le petit grain de pop-corn survivant que le doute est permis. Et encore...

Le monde est fou, on vous dit...

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