Bonjour et bienvenue sur ce nouveau blog qui regroupe désormais l'ensemble de mes écrits passés. A présent, j'espère bien pouvoir l'enrichir de temps à autre de textes inédits. Vous trouverez dans le menu de droite deux catégories : les nouvelles et les ateliers d'écriture. Après, il n'y a pas d'ordre de lecture particulier donc, si mes textes ne sont pas trop mauvais, faites-vous plaisir !
Je le dis à chaque fois : cet espace est aussi le vôtre. Vos retours sont importants pour me permettre de progresser et de persévérer.
Bonne visite et à bientôt !

Histoire courte

Paul Tournier était affalé sur son fauteuil, un chiffon dans une main et son arme dans l’autre. A sa droite, sur un tabouret branlant se tenaient une chope et ses 50 cl de bière bon marché.
Tout en nettoyant méticuleusement son révolver, il écoutait les informations de la mi-journée et esquissa un sourire lorsque la journaliste tenta d’énumérer les motivations qui auraient pu pousser une personne à assassiner un jeune homme de 28 ans apparemment sans histoire.
-Vous me faites marrer à toujours chercher des mobiles, dit-il soudain comme s’il pensait tout haut. Pour vous, chaque geste a forcément son explication. Raisonnez comme ça et ce n’est pas demain la veille que vous me mettrez le grappin dessus, bande de cons.
Paul Tournier sourit davantage et une lueur un peu malveillante sembla éclairer son regard. Depuis quelques semaines, engoncé dans sa petite vie, il s’était demandé s’il se sentirait capable de tuer quelqu’un. Juste comme ça, pour voir. Tout en sachant qu’une bonne partie de la réponse se trouvait précisément dans la question qui le taraudait chaque jour un peu plus.
Dès lors qu’il s’était convaincu de sa capacité à pouvoir tuer sans difficulté, il avait simplement cherché à se prouver qu’il pouvait aller jusqu’au bout.
Il l’avait fait. Il avait juste regretté, en appuyant sur la détente, que l’excitation se soit envolée. A partir du moment où il avait vu sa victime s’avancer vers lui, à la lueur d’un réverbère. A partir du moment, en fait, où il n’avait plus eu que des certitudes. Celle d’aller jusqu’au bout. Celle de tuer, comme ça, sans état d’âme.

L’homme s’était avancé donc. Il marchait par une nuit sans lune, sans but précis, un peu comme une errance. Les mains dans les poches, la tête basse, apparemment perdu dans ses pensées. Paul avait juste levé son arme et avait tiré. Comme ça. Sans effet de mise en scène. Sans même un mot. L’homme ne l’avait même pas aperçu. Il était mort comme ça, sans en prendre conscience. Il était tombé en arrière, comme une masse. Mort instantanée. Propre et sans bavure.
Paul Tournier aurait pu prendre du plaisir dans son envie de tuer. Car s’il y a bien une chose dont il était persuadé, c’est que l’on pouvait prendre du plaisir. Mais il n’avait pas voulu risquer de gamberger. Il était simplement persuadé de pouvoir le faire. Point. Y mettre les formes l’importait peu.

Paul Tournier posa le révolver sur le tabouret ainsi que sa chope de bière et s’allongea sur le lit défait. Il ouvrit le tiroir de sa table de chevet et en sortit un carnet crasseux et un stylo.
Son regard se perdit dans les pâles du ventilateur au plafond. Paul Tournier réfléchissait, fronçant les sourcils de temps à autre, un peu comme s’il cherchait quelque chose qui ne venait pas. Il se demandait en fait ce qu’il allait faire. Il avait tué donc ça, c’était réglé. C’était une envie qu’il avait satisfaite, il n’y avait pas à y revenir. C’était déjà derrière lui. Il avait nettoyé l’arme. Il lui suffirait de s’en débarrasser. Mais que faire à présent ? Il lui fallait un nouveau défi, un nouveau challenge à accomplir. Braver un autre interdit. Oui mais lequel ?
Il se demanda s’il n’avait pas commencé par le plus facile. Tout est tellement plus simple avec une arme, pensa t-il. Finalement, le plus dur avait encore été de se la procurer. Mais ensuite, il estimait ne pas avoir eu de mérite particulier. Qu’avait-il fait à part appuyer sur la détente ?
Paul Tournier se dit qu’il devait trouver quelque chose qui lui procure plus de plaisir et surtout plus d’adrénaline. Quelque chose qui le mette lui aussi en danger. Qui fasse renaître l’excitation. Mais quoi ?

C’est alors que l’idée lui vînt, dans le prolongement du crime qu’il venait de commettre, de devenir un tueur en série. Il avait une arme et il savait tuer. Mais il pouvait aller plus loin. Echafauder un schéma tactique. Tuer mais plus au hasard. En laissant avec parcimonie quelques indices. Juste ce qu’il faut. Devenir un maître du crime que la police n’arrêterait jamais. Cela l’obligerait à une attention de tous les instants. Le challenge serait permanent. Ne jamais se laisser prendre tout en se mettant suffisamment en danger pour prendre du plaisir. Peut-être échouerait-il mais qu’importe. Ca en valait tellement la peine. Finie sa petite vie de merde passée à envier la réussite des autres. Il allait devenir quelqu’un lui aussi, c’était certain.

Paul Tournier se releva du lit avec entrain, se dirigea vers le tabouret, siffla son reste de bière et saisit son arme. Il la fixa longuement, comme hypnotisé, un peu comme si elle avait désormais une toute autre valeur à ses yeux. Il ouvrit ce qui faisait office de penderie dans cet hôtel de seconde zone et la glissa dans la poche intérieure de sa veste. Il souriait. Il était promis à un si bel avenir. Tout lui était permis. Rien ne lui faisait peur. Ils allaient voir, tous.

Il était perdu dans ses pensées, souriant toujours, lorsque quelqu’un frappa à la porte. Il sursauta et regarda sa montre. Il était près de onze heures.
-Qu’est-ce que c’est, grommela t-il.
-La femme de ménage, monsieur. Je dois faire la chambre.
Paul avait loué la chambre pour plusieurs jours. Vu le tarif, il aurait eu tort de se priver. Mais il ne voulait pas être dérangé aujourd’hui. Il allait refiler un billet à la femme et lui demander de repasser demain. Il avait encore besoin de réfléchir à sa nouvelle vie et donc il fallait qu’on lui fiche la paix.
Il ouvrit la porte et vit une charmante jeune femme d’une trentaine d’années en tenue de travail. Il esquissa un sourire presque obscène et ce fut tout. Il n’eut même pas le temps de voir l’arme qu’il fut projeté en arrière par les six balles qu’elle vida de son chargeur. Il s’affala déjà mort sur le sol, emportant dans sa chute le tabouret branlant et la chope vide.

Dans un calme impressionnant, la jeune femme referma la porte de la chambre. Puis elle rangea son arme et sortit de la poche de sa blouse de ménage un petit carnet à spirale. Elle porta un stylo à sa bouche et se mit à réfléchir, les yeux dans le vide. Elle se demanda ce qu’elle pourrait bien faire à présent, maintenant qu’elle avait tué quelqu’un. Elle sourit, reprit ses affaires de nettoyage, tourna au fond du couloir sombre et disparut.

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